« Le Père et moi, nous sommes UN »
(4ème dimanche de Pâques, année C, Jean 10, 27-30)
Voici quatre versets de l’Évangile que nous a laissés Jean et qui soulèvent pas mal d’interrogations. Pour bien s’en rendre compte, il faut les replacer dans leur contexte en lisant quelques versets de plus, avant et après ce passage : Jésus allait et venait dans le Temple dont on célébrait l’anniversaire de la dédicace. Les Juifs sont agacés et divisés sur ce qu’il faut penser de ce Jésus venu de Nazareth qui les invective en disant : « Tous ceux qui sont intervenus avant moi sont tous des voleurs et des bandits ! » Finalement, ils lui demandent (verset 24) : « Si tu es le Messie, dis-le nous ouvertement ! »
La réponse de Jésus « Le Père et moi, nous sommes UN » les met absolument hors d’eux et (verset 31) les Juifs s’en vont de nouveau chercher des pierres pour le lapider. Ils lui crient à la figure: « Tu blasphèmes : tu n’es qu’un homme et tu prétends être Dieu ! » L’incident se termine un peu en queue de poisson, quand (verset 39) les Juifs cherchent de nouveau à l’arrêter, mais … il leur échappe.
D’un côté, tout ceci nous interpelle car, si l’on en croit les Juifs, Jésus n’était peut-être et seulement qu’une personne qui connaissait bien les Écritures, en particulier le livre d’Ezekiel*, reprenant ces enseignements à son compte pour prétendre ainsi être le Messie ! Car la coïncidence est troublante quand on lit le livre d’Ezekiel où le symbole des brebis, du pasteur et des dangers ou des travers qui menacent les uns et les autres est développé à l’envi.
D’un autre côté, nous sommes là, nous qui embrassons l’ensemble de l’enseignement de Jésus, dans toute sa richesse et sa profondeur. Une partie de cet enseignement est bien entendu basé sur les Écritures. Comment lui, qui en était profondément imprégné, aurait-il pu dire le contraire ? Mais le message de Jésus est fondamentalement nouveau à plus d’un titre, surtout quand il met en toute première place l’amour du prochain, quand il prône le pardon et la compassion face à la brutalité, à l’injustice et au rejet de l’autre. Les multiples paraboles qu’il a dessinées dans l’esprit de ceux qui l’on côtoyé et ses nombreux discours ont forgé chez nous, à 2000 ans de distance, les contours de sa philosophie**. Celle-ci est résolument révolutionnaire: les Heureux ne sont plus les puissants, les riches ou les repus. Jésus renverse les hiérarchies humaines basées sur la force et sur la réussite sociale. Il affirme que la grâce habite la misère, la souffrance ou la fragilité de chacun d’entre nous.
Seul l’envoyé de Dieu était capable de communiquer un tel message… et de le mettre en pratique. Seul un tel envoyé pouvait aller jusqu’au bout de lui-même et donner sa vie pour que jaillisse la vérité. Lui seul est le Ressuscité : un bien grand mystère que nos esprits étriqués ont de la peine à comprendre. Par sa résurrection, il a donné tout le crédit qu’il faut à son enseignement, il a scellé dans le sang son alliance avec nous et il nous a montré la voie qui conduit à son Père.
Bernard Vollerin
*Livre d’Ezekiel, chapitre 34.
**Frédéric Lenoir : « Le Christ philosophe », Plon, 2007
Évangile selon Saint Jean (10, 27-30)
Jésus avait dit aux Juifs : « Je suis le Bon Pasteur (le vrai berger). » Il leur dit encore :
27 Mes brebis écoutent ma voix ; moi, je les connais, et elles me suivent.
28 Je leur donne la vie éternelle : jamais elles ne périront, personne ne les arrachera de ma main.
29 Mon Père, qui me les a données, est plus grand que tout, et personne ne peut rien arracher de la main du Père.
30 Le Père et moi, nous sommes UN. »